le café de marins – l’annexe du bateau
Ou quand le café de marin, intimement lié à l’activité professionnelle de la pêche à Douarnenez, devient le quartier général, le prolongement du bateau à terre.
En retour de pêche, avant de prendre la mer ou en période hivernale, la vie du café épouse le rythme de ses équipages et de l’activité qui le fait vivre, la pêche.
« Les équipages de marins avaient tous un café où ils avaient leurs habitudes et auprès duquel ils étaient fidèles… »
AUX RYTHMES DES PÊCHES
A la sardine, c’est tous les jours au café. Pendant la semaine, le sardinier part tôt le matin et rentre dans la journée. Entre le domicile et le bateau, le passage du marin au café est journalier. Ici, nous sommes essentiellement première moitié du XXe siècle, à la grande époque de la sardine, ou l’on comptait plus de 500 cafés à Douarnenez.
Bien sûr, on embarque avant le lever du soleil. La veille, la patronne du café a déjà préparé le départ…
« … elle savait à quelle heure partaient les sardiniers parce que la veille au soir elle avait discuter avec eux, elle préparait son bar avec une série de carterons de rouge… »
« …sur une pinasse sardinière c’était douze hommes d’équipages, y’avait un litre de vin par homme et par jour… »
« … c’étaient des cageots de 15 litres, y’avait 15 litres plus deux… »
« …brased prop evit mont d’evañ ur banne…cheñchet war vag a-raok mont d’ar ger…»
« …bien habillés pour aller boire un verre…changés sur le bateau avant de rentrer à la maison… »
« …daou zevezh en oad, hag an devezh goude… d’ar mor endro…»
«…deux jours à terre et le lendemain, en mer à nouveau…»
Le rituel de passer boire un verre en retour de pêche à son café attitré se retrouve, de la même façon pour les autres types de pêche, maquereaux – quelques jours en mer, le thon – 2/3 semaines, ou bien sûr la langouste et le retour des « mauritaniens » après 3/5 mois de marée..
LE QUARTIER GENERAL
Cœur du réseau du marin, on allait alors au café pour s’informer, échanger. C’est le lieu, à terre, ou sont concentrées les informations concernant l’activité de la pêche.
Avant le départ en mer :
« … je laisserai les consignes, passez ici demain, vous verrez à quelle heure on part demain ou un autre jour…. »
Les nouvelles des bateaux en mer, ici avec la radio du Loups des Mers :
«… y’en avait plein, même s’ils ne descendaient pas à la maison ils venaient écouter les bateaux, la météo… »
Retrouvez aussi le dispositif TKZ Radio Bistrot dans les cafés de Douarnenez d’un documentaire audio d’une heure, fruit de collectages réalisés. (lien page actus TKZ Radio Bistro)
Prendre des nouvelles aux retours de mer :
« … qu’est-ce qu’il s’est passé sur le port, tel a eu un accident… »
Et surtout pour échanger autour du métier, entre professionnels :
« … Tu m’as joué un drôle de tour là !… »
« …betek 80 den e-barzh kozeal deus ar peskerez… »
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« …jusqu’à 80 personnes dedans à parler de pêche… »
LE CAFE BANQUE
Pour des pêches demandant plusieurs jours de mer (maquereau, thon…), c’est aussi au café que l’on va se faire prêter de l’argent pour faire acheter des vivres avant de partir. L’intendance du bateau est tenue par le bistrot…
« … Marie ! Don omp un tammig argant d’ober tro ar c’houi ! … »
« …le jour du départ on prenait la viande, on allait faire le tour du marché, les légumes et là il fallait aller voir la patronne du bar prendre des sous… »
Au café, on prêtait donc de l’argent au bateau, sur le compte de l’équipage. Mais en cas de coup dur, le marin pouvait compter sur la patronne à des fins personnelles… (Voir aussi La patronne)
« … elle donnait des sommes à noël, et elle donnait des sommes pour le Mardi Gras… »
« … y’avait un gosse qui devait aller à l’hôpital ou qui devait aller chez le médecin, ma mère avançait… »
LES DEPENSES
A la sardine, le samedi c’est jour de paie. On fait « les dépenses ». On le fait dans son café, en équipage, généralement dans une arrière salle à l’abri des regards indiscrets.
(Voir aussi Architecture et aménagement intérieur)
Tout l’argent de la pêche est là, en liquide, il faut le voir, c’est important. On commence par rembourser ce qu’on doit à la patronne du café (vin consommé en mer, consommations de la semaine, avances sur vivres…), les frais communs, puis le partage se fait entre l’équipage. Le système est le même pour les autres types de pêche et perdure jusqu’à l’arrivée du chèque.
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« … moi j’étais mousse à 14 ans on m’a dit toi tu sais compter, tu viens de sortie de l’école… tu vas faire les comptes avec moi… »
« …nous on était 11 en mer, plus deux en congés, on buvait un coup dans le bistrot, on montait à l’étage, y’avait une petite salle.. »
« … pour l’équipage, il fallait que tous les sous soient là… »
Les dépenses et la vie de famille, ou quand l’argent de la paie ne rentrent pas entièrement pour le foyer… des histoires qui font encore rire de nombreux marins pêcheurs !
« … les sous étalés par terre dans le bistrot, chacun avait sa part… »
« … et au lavoir ça parle, alors 12 hommes sur un bateau, 12 femmes au lavoir… »
Extrait du film « Retour de pêche »
Réalisateur : Marie de Pahlen
Année : 1970 à 1971
Format : Super 8
Couleur / Muet
CASSER LA CAISSE
En fin de saison, on « casse la caisse » !
Lors des dépenses habituelles, une part était mise de côté, gardée au café dans une caisse au cas où la fin d’année serait mauvaise. Si ce nétait pas le cas, la somme été redistribuée entre les membres de l’équipage.
« … c’était une journée qui était appréhendée par les épouses… et l’image traditionnelle c’est le type quand il rentre, il ouvre la porte, y’a le paquet de gâteau en premier…»
« …quand on désarmait, là on cassait la caisse… si y’avait beaucoup de sous dans la caisse on allait manger chez Claquin ou bien chez Soaz Souben ou chez madame Guitard… »
Continuez la visite, et entrez dans le café! Deuit barzh!